jeudi 21 juin 2012

Billère : un mur les sépare

Article SUD OUEST
Des militants du Bloc identitaire en justice, hier, pour l'affaire du mur des expulsés
Le 8 mai 2010, le mur des expulsés de Billère, au cœur d'un bras de fer entre le maire de gauche de la commune et le préfet, est recouvert de peinture par des militants d'extrême droite.

Le 8 mai 2010, le mur des expulsés de Billère, au cœur d'un bras de fer entre le maire de gauche de la commune et le préfet, est recouvert de peinture par des militants d'extrême droite. (arch. G. bonnaud)

Il y avait comme une atmosphère de siège, hier en début d'après-midi, devant et dans le palais de justice de Pau où un important dispositif policier avait été déployé pour le procès de trois militants du Bloc identitaire, un mouvement d'extrême droite. Convoqués devant le tribunal correctionnel pour « détérioration légère d'un bien par inscription, signe ou dessin commise en réunion », suite au badigeonnage du mur des expulsés de Billère, le 8 mai 2010, les trois hommes, tous Girondins, étaient attendus par un comité d'accueil : une manifestation d'une vingtaine de militants d'extrême gauche de Libertat munis de banderoles les accusant de « fascisme ». Insultes et bras d'honneur ont fusé au croisement des deux groupes, sans que l'on ne déplore aucun débordement majeur, une dizaine de CRS maintenant tout le monde à distance en formant un cordon sur les marches du palais.
Ils ne regrettent rien Dans la salle d'audience, quelques militants du Réseau éducation sans frontière (RESF) avaient été autorisés à entrer pour assister aux débats. Ceux-ci ont tourné court, l'avocat des trois prévenus ayant sollicité un report, au motif que l'article de loi pour lequel ses clients sont poursuivis fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité en cours d'examen à la Cour de cassation. Le tribunal le lui a accordé et l'affaire a été renvoyée au 25 septembre prochain. Un rendez-vous que ne semblent pas craindre les trois militants d'extrême droite. « Nous ne regrettons pas notre acte, que nous avions d'ailleurs immédiatement revendiqué. Cette fresque était illégale », explique Christophe Pacotte, un Bordelais de 42 ans, dans la salle des pas perdus, avant de quitter le palais encadré de CRS par une porte dérobée. Un argument que lui et ses deux comparses ne manqueront sans doute pas d'utiliser comme défense à la rentrée prochaine.
Un retour en arrière s'impose, l'objet du délit, une fresque commandée par la municipalité de gauche de Billère pour rendre hommage aux familles de sans-papiers reconduites à la frontière, et inaugurée en septembre 2009 sur un mur de la salle communale Robert-de-Lacaze, un bâtiment public, n'existant plus aujourd'hui. Car à peine la peinture de cette œuvre baptisée le « Mur des expulsés » avait-elle eu le temps de sécher qu'elle était attaquée en justice par le préfet de l'époque, Philippe Rey, la considérant comme illégale. En janvier 2010, le tribunal administratif de Pau lui donne raison et ordonne son effacement, en vertu du principe de neutralité des édifices publics.
« C'est fait M. le préfet » S'engage un véritable bras de fer entre le maire de Billère, Jean-Yves Lalanne, soutenu par de nombreux élus et associations, et le coriace préfet des Pyrénées-Atlantiques. Le premier fait appel. Et le Bloc identitaire, un mouvement apparu dans les années 2000 qui est alors en quête de notoriété (il s'est constitué en parti politique… en 2009), s'invite dans les débats.
Le 8 mai 2010, une dizaine d'individus prennent d'assaut le mur des expulsés de Billère. En plein jour et tandis que se déroulent non loin de là les cérémonies de commémoration du 8 mai 1945, ils recouvrent la fresque de peinture à l'eau et taguent à la bombe « C'est fait, M. le préfet ! », là où se trouvaient les mots de « Fraternité, Solidarité, Terre d'accueil ». Quelques heures plus tard, le Bloc identitaire revendique cette action sur Internet et Jean-Yves Lalanne porte plainte. De cette dernière découlent les poursuites dont font l'objet les trois Girondins.
Aujourd'hui, le mur des expulsés a disparu de Billère, la municipalité ayant perdu en appel. Mais la fresque a revu le jour en février 2011, sur un bus de la communauté Emmaüs de Lescar : un lieu privé où elle est désormais à l'abri de toute attaque.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire