samedi 4 février 2012

Violences d’extrême droite à Villeurbanne : « une affaire d’une gravité toute particulière

Le 15 janvier 2011, un couple tombe dans ce qui semble être un guet-apens sur un parking de supermarché à Villeurbanne, à la sortie d’un concert dans un squat, dont le lieu et les heures de début et de fin ont été annoncées sur Rebellyon. Agressés sur le trajet du retour vers le métro, les deux personnes sont laissées inanimées après avoir été roués de coups.
Par le nombre de personnes qu’elle a impliquée, par la violence des coups portés et l’organisation des agresseurs, cette affaire semble être l’une des plus importantes de l’agglomération lyonnaise depuis quelques années. En détention provisoire depuis un an, quatre des auteurs des violences viennent d’être relâchés, alors que la date du procès n’est toujours pas fixée.
Un an après les faits, entretien avec maître Sayn, l’avocat des personnes agressées.
RBL : Bonjour Maître Sayn. Pour com­men­cer, pouvez-vous nous dire com­ment s’est dérou­lée l’enquête sur l’agres­sion ?
Bertrand Sayn : Cette affaire a été bien menée, tant dans le cadre de l’enquête ini­tiale par les ser­vi­ces de police que par le juge d’ins­truc­tion dési­gné dans cette affaire. Le fait que l’agres­sion ait été per­pé­trée à proxi­mité d’une sta­tion ser­vice a permis d’avoir les images vidéo de ce qui s’est passé. Ces images sont de très mau­vaise qua­lité et n’ont pas permis de reconnaî­tre les pro­ta­go­nis­tes. Dans le cadre des gardes à vue les enquê­teurs se sont tou­te­fois très habi­le­ment servis de ces images ce qui a permis d’inter­ro­ger les sus­pects et d’obte­nir des infor­ma­tions déter­mi­nan­tes. Le Juge d’Instruction a beau­coup tra­vaillé dans cette affaire et a réussi à mener cette ins­truc­tion sur une période d’un an. L’affaire est qua­si­ment ter­mi­née. Je pense qu’à ce jour l’ensem­ble des actes utiles à la mani­fes­ta­tion de la vérité ont été accom­plis.
RBL : On s’étonne que la presse locale, si prompte à faire des sujets sur les faits divers, n’ait pas - ou si peu - relayé ce qui semble une affaire judi­ciaire plutôt impor­tante à l’échelle de l’agglo­mé­ra­tion, qu’en pensez-vous ?
Bertrand Sayn : Il est cer­tain que cette affaire, ayant tout de même fait l’objet de plu­sieurs arti­cles ou reprise dans dif­fé­rents maga­zi­nes locaux [1], n’a pas fait les « gros titres ». Je consi­dère tou­te­fois que cette affaire est d’une gra­vité toute par­ti­cu­lière en raison de la nature des vio­len­ces, mais également du mobile. Le dos­sier établit que les deux vic­ti­mes ont été frap­pées avec des battes de base-ball et des barres, des coups de pied et des coups de poing notam­ment au visage au seul motif qu’ils res­sem­blaient à des « liber­tai­res ». Aucun regard, aucun mot n’avait été échangé. Les agres­seurs se sont pré­ci­pi­tés sur eux, le couple a été immé­dia­te­ment assailli. Le pre­mier coup est un coup de batte de base-ball sur la tempe de la jeune femme. La scène a été d’une extrême vio­lence.
Le mobile est stric­te­ment poli­ti­que. Les assaillants ne connais­saient pas leurs vic­ti­mes. Les vic­ti­mes ont été frap­pées sim­ple­ment pour ce qu’elles repré­sen­taient.
RBL : Où en est la pro­cé­dure ? Quelle sera au final la qua­li­fi­ca­tion des faits ?
Bertrand Sayn : La pro­cé­dure est qua­si­ment ter­mi­née. En raison des lois orga­ni­sant la déten­tion pro­vi­soire, les inté­res­sés ont été libé­rés après un an de déten­tion, la loi ne per­met­tant pas le renou­vel­le­ment. Nous espé­rons que le procès inter­vien­dra le plus rapi­de­ment pos­si­ble. Notre objec­tif est que l’audience sur­vienne avant l’été. Les inté­res­sés seront jugés pour des faits de vio­len­ces volon­tai­res avec arme et en réu­nion, cer­tains en réci­dive Ceux restés un peu plus en retrait seront jugés pour abs­ten­tion volon­taire d’empê­cher un crime ou un délit contre l’inté­grité d’une per­sonne, non assis­tance à per­sonne en danger et par­ti­ci­pa­tion à un grou­pe­ment formé en vue de la pré­pa­ra­tion de vio­len­ces contre les per­son­nes ou de des­truc­tion ou dégra­da­tion de biens. Ce der­nier délit, bien que créé sous la pré­si­dence Sarkozy, et très vive­ment cri­ti­qué parce qu’il sem­blait viser encore une fois les mêmes cibles et aggra­ver inu­ti­le­ment l’arse­nal pénal, trouve ici une appli­ca­tion très inté­res­sante. Il est frap­pant dans cette affaire que l’ensem­ble des per­son­nes mises en examen s’étaient effec­ti­ve­ment regrou­pées et armées dans l’inten­tion d’exer­cer des vio­len­ces.sans même avoir des cibles déter­mi­nées mais en ayant bien l’inten­tion d’en trou­ver une. Le « look » des vic­ti­mes aura suffi ce soir là.
RBL : Vous avez été l’avocat de plu­sieurs autres anti­fas­cis­tes au cours de cette der­nière année, quel bilan dres­sez-vous de ces der­niers mois sur Lyon ?
Bertrand Sayn : En pre­mier lieu il faut pré­ci­ser que les deux vic­ti­mes de ce dos­sier n’étaient pas des mili­tants anti­fas­cis­tes et ne se récla­ment d’aucune appar­te­nance poli­ti­que. Leur pré­sence s’expli­que par le fait qu’ils étaient venus voir des amis par­ti­ci­pant au concert donné ce soir là. Pour autant, il est vrai que j’ai assuré la défense de plu­sieurs per­son­nes « anti­fas­cis­tes » notam­ment cette der­nière année [2]. Les agres­sions sont nom­breu­ses. Il est impor­tant que sys­té­ma­ti­que­ment les vic­ti­mes fas­sent le néces­saire pour que la jus­tice soit saisie de ces faits.
Au plan judi­ciaire, la ten­dance est plutôt de bana­li­ser ces faits en les situant dans une oppo­si­tion extrême droite / extrême gauche. Mon expé­rience per­son­nelle me fait dire que les agres­sions sont pour l’essen­tiel des agres­sions com­mi­ses par les mili­tants d’extrême droite dont la pré­sence à Lyon est de plus en plus mar­quée. Je pense au mee­ting récent orga­nisé au parc de la Tête d’Or, à la mani­fes­ta­tion d’il y a quel­ques jours, au local ouvert à Gerland [3], au local de Saint Jean, à leur main mise sur ce vieux quar­tier de Lyon et de la peur qu’ils font régner dans ce quar­tier désor­mais « inter­dit » à toute per­sonne sus­cep­ti­ble d’être appa­ren­tée au cou­rant liber­taire d’extrême gauche ou anti­fas­ciste.
La lutte anti­fas­ciste est une lutte indis­pen­sa­ble. Elle mérite d’être paci­fi­que.
Propos recueillis le 24/01/2012.

Notes

[1] Note de RBL : on se rappellera notamment l’article assez surréaliste de Lyon Capitale, voir Agressions d’extrême-droite : Lyon Cap’ ment, invente et torture les faits. Deux brèves ont par ailleurs été publiées dans Le Progrès, le lendemain et le surlendemain de l’agression, et l’affaire a été mentionnée dans un article de La Tribune de Lyon
[2] Voir entre autres Procès au TGI : les néo-nazis déboutés et violents en plein tribunal
[3] Note : le local de Gerland est aujourd’hui fermé suite à plusieurs mobilisations, un autre a par contre ouvert en plein coeur de la Guillotière.

REBELYON

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