jeudi 2 février 2012

La tentation brune de l’arc en ciel

Je suis mal à l’aise ces derniers temps. Mal à l’aise parce que je suis « membre de fait » d’une communauté appelée LGBTI ou Queer. Je me retrouve à l’observer (par goût) et ce que je constate ne m’amuse pas.
Mais que se passe-t-il dans la tête de pas mal de per­son­nes ces temps-ci ? Pourquoi lis-je ou entends-je de plus en plus cette asser­tion que je pen­sais ini­ma­gi­na­ble ? Oui, depuis quel­ques mois main­te­nant, le vote Le Pen n’est plus tabou au sein de la « com­mu­nauté ». Pire, il semble y pren­dre un poids bien au-delà du rai­son­na­ble.
Tout com­mence pour moi par des dis­cus­sions, au départ sans fond poli­ti­que, sur les réseaux sociaux (oui on a beau se dire que c’est de la merde, c’est pre­nant quand même). Ca part dans tous les sens ce genre de dis­cus­sions, mais ces der­niers temps, fré­quem­ment, le déra­page est là très vite. Généralement, cela démarre avec une remar­que sur « les musul­mans ». Puis sur un sup­posé « inté­grisme fort » pour se ter­mi­ner par « moi, de toute façon, je pense qu’en 2012 je vote Le Pen, c’est la seule qui veut pro­té­ger les pd ». Oui je résume, en for­çant très peu le trait ceci dit.
Qu’est ce qui peut pous­ser une mino­rité sou­vent mise à mal dans l’his­toire comme au pré­sent à accep­ter de voter, d’adhé­rer à des idées, contre elle-même ? C’est un peu le réflexe de l’ouvrier blanc contre le basané… Un oubli de classe ou de lutte com­mune au profit d’un égoïsme mal placé.
D’ailleurs, on voit même appa­rai­tre sur Facebook des grou­pes du genre « les gays avec Marine » ou autre… C’est dire !
Il faut avoir la mémoire courte pour ne pas se sou­ve­nir des propos et écrits du parti de Le Pen père et filles. De la dis­cri­mi­na­tion homo­phobe en pas­sant par le rejet des séro­po­si­tifs, la pro­pa­ga­tion de rumeurs infon­dées mais des­truc­tri­ces à propos de la pro­pa­ga­tion du SIDA, la haine vis­cé­rale affi­chée au moment du PACS. Tout cela serait oublié, du passé ? Il faut une grande can­deur pour le croire !
En fait, la force de Le Pen, bien aidée par le gou­ver­ne­ment en place et cer­tai­nes per­son­nes de « gauche », c’est d’avoir réussi à ins­tru­men­ta­li­ser le fan­tasme autour des « musul­mans » et d’avoir dési­gné avec force un ennemi inté­rieur au nom de la « laï­cité » (autre mot qu’elle dévoie chaque jour). En s’appuyant là-dessus, elle peut dres­ser les oppri­més les uns contre les autres. Au profit d’une seule chose : sa soif de pou­voir et de nui­sance.
Faisant d’ailleurs oublier un peu vite que, glo­ba­le­ment, toutes les reli­gions rejet­tent les homo­sexuel(le)s et trans­gen­res… Pratique quand on sait que le FHaine est un nid à catho­li­ques inté­gris­tes !
Mais je suis dubi­ta­tif néan­moins sur la part que cela semble pren­dre dans le milieu gay (pour faire un rac­courci).
Combien de temps a-t-on dû se battre pour obte­nir la reconnais­sance de nos morts sous les fas­cis­mes et autres bar­ba­ries dans le monde, pour qu’aujourd’hui on ose porter un parti dont la plu­part des mem­bres réé­cri­vent l’his­toire ? Combien de com­bats pour la reconnais­sance des droits des mala­des pour aller vers un parti qui les méprise ? Combien de luttes encore à mener pour l’égalité des droits pour aller vers un parti qui nous promet une ségré­ga­tion bien propre ? Combien d’années de combat pour ne plus être vus comme des mala­des men­taux pour aller vers un parti où l’homo­sexua­lité est vue comme déviance ?
Bien que la pro­por­tion semble infé­rieure dans le milieu gay qu’ailleurs il ne faut pas nier que l’envies de vote (déjà, le vote...) pour Le Pen est en aug­men­ta­tion. Et cela ne peut que nous inter­pe­ler.
Chaque fois qu’un groupe, plus ou moins impor­tant, oublie la lec­ture de classe et d’oppres­sion qui le concerne, il finit par voter ou adhé­rer aux pires idées, des idées contre lui-même, et qui, in fine, arri­vent au pire.
Aujourd’hui, le virage à droite de la société est pal­pa­ble, les idées mer­deu­ses du FHaine se pro­pa­gent, mais pire que tout, même cer­tains de ceux qui devraient avoir le reflexe de com­bat­tre ces idées, ne serait-ce que par la « place » que leur octroie la société, se retrou­vent à agir contre eux.
Certes, une sexua­lité ne fait pas le / un vote, mais l’ostra­cisme qui entoure cette sexua­lité en ques­tion devrait pous­ser à penser autre­ment son rap­port au monde. Ce n’est sure­ment pas en oppri­mant d’autres mino­ri­tés que l’on ira mieux.
Décidément, le fas­cisme c’est la gan­grène, on l’élimine ou on en crève.
Fablyon

P.-S.PS : bien entendu ce propos n’engagent que moi.

Paru dans REBELYON

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