mercredi 1 février 2012

Deux militants d'extrême-droite comparaissent pour agression contre un musulman

A priori Kevin Lamadieu, 22 ans, et Romain Blandin, 24 ans, n'ont pas grand chose en commun. Le premier, plombier de profession, porte des cheveux taillés très courts, une veste noire à bouton et revendique des convictions "nationalistes" dont il n'a pas "honte". Le second, étudiant en histoire, arbore une longue queue de cheval, se dit volontiers "gothique" mais sans engagement politique.

Certes, ils se connaissent, mais à les entendre à la barre du tribunal correctionnel de Versailles devant lequel ils comparaissaient mardi 30 janvier pour "violence en réunion à raison de l'appartenance religieuse", ils ne se fréquentent que de manière occasionnelle. Kevin milite depuis l'âge de 15 ans dans des organisations d'extrême droite. Encarté au GUD, il ne rate pas une manifestation. Romain, lui, assure se tenir loin de tout ça.
Ils répondent tous deux d'une agression commise dans la nuit du 24 au 25 juillet 2008 à Guyancourt (Yvelines), contre Nouredine Rachedi, 34 ans. Ce soir là, peu après minuit, Nouredine rentrait chez lui. Abordé par les deux jeunes gens qui lui demandent une cigarette, il répond qu'il n'en a plus. L'un d'eux l'interroge sur son appartenance religieuse : "Tu es musulman ?" Nouredine répond que oui. L'autre enchaîne : "que penses-tu des événements en ex-Yougoslavie ?" Nouredine n'a pas le loisir de se pencher sur la question. Les deux jeunes gens le frappent au visage, le mettent à terre et le rouent de coups avant de prendre la fuite. Nouredine s'en sort avec de multiples contusions et 21 jours d'incapacité totale de travail.
Deux semaines plus tard, après qu'il eut décrit ses agresseurs aux policiers, ces derniers lui soumettent 90 photographies de jeunes gens correspondant à sa description. Nouredine n'a pas une hésitation : il désigne de suite Kevin Lamadieu. Celui-ci est connu de la police pour son appartenance à l'extrême droite. Il est considéré comme "dangereux" en raison des violences dont il s'est déjà rendu coupable et pour lesquelles il a été condamné. Interpellé, il nie. A son domicile, les policiers découvrent tout un attirail du parfait néo-nazi : portrait d'Hitler, ouvrages fascistes, photos de l'intéressé en tenue nazi bras tendu en un salut impeccable… Bref la panoplie complète des nostalgiques du troisième Reich. Pour sa défense Kevin bredouille qu'il n'est pas "raciste, ni xénophobe, ni même antisémite". Mais il aime l'histoire. Et quoiqu'il en soit, il n'a "jamais rencontré Nouredine Rachedi".
Même chose pour son comparse. Lui n'a pas été identifié de manière aussi formelle. Nouredine ne l'a désigné que huit mois après l'agression. C'est l'enquête qui a permis de rapprocher les deux prévenus et l'examen de leur téléphonie qui a pu établir que le soir des faits, ils étaient probablement ensemble. A l'instar de son copain, Romain nie les accusations proférées contre lui.
Ces dénégations n'ont pas convaincu le parquet. Si, comme l'a expliqué la présidente du tribunal, Anne Demortière, l'objet de ce procès était d'examiner si oui ou non, les deux prévenus ont commis l'agression dont ils sont soupçonnés, la représentante du ministère public est convaincue que "leur appartenance politique constitue le mobile de cette violence". Elle a requis 18 mois de prison dont 12 avec sursis contre les deux suspects. Jugement le 14 février.
Yves Bordenave

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