samedi 16 juillet 2011

“Je suis une proie facile”

16/07/2011
Béatrice MOLLE
Le 6 juillet dernier, Daniel Derguy devait signer l’acte d’achat du magasin de meubles dont il était le gérant à Cahors. Le même jour, la police française est venue l’arrêter au petit matin, dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis par la justice espagnole. Pour un délit présumé remontant à 1994. Il a été placé en détention à Gradignan puis libéré sous contrôle judiciaire par la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Agen qui a réclamé un complément d’enquête à l’Etat espagnol. La cour se prononcera le 27 juillet. Daniel Derguy fut arrêté en 1998 et a purgé une peine de douze ans. Remis en liberté conditionnelle en 2008, il était en plein projet de reconstruction de vie avec sa compagne. Un cas exemplaire pour un homme en liberté conditionnelle. Preuve en est, le juge d’application des peines qui suit sa liberté conditionnelle lui avait accordé une permission pour venir trois jours au Pays Basque (les 6, 7 et 8 juillet). “Tous les voyants sont au vert”, avait-il affirmé.
Joint par téléphone hier à Cahors, Daniel Derguy attend la date fatidique du 27 juillet, fatigué par une semaine de grève de la faim qu’il a cessée : “Je suis en pleine galère, entre les banquiers, les réunions de travail avec la chambre de commerce. Car la vente a été suspendue, mais le 27 juillet, je me présenterai devant le tribunal avec la boutique achetée. Le matin de mon arrestation le 6 juillet, j’étais dans le magasin, les policiers me sont tombés dessus. J’ai pensé à Jon Anza et à un enlèvement tellement, pour moi, cette opération n’a aucun caractère judiciaire. Mon dossier a été pendant quatre années à l’instruction et l’on me reproche des faits remontant à 17 ans ! Je pense que la justice aurait eu le temps de me demander des explications”. Et Daniel Derguy dénonce le caractère haineux de cette opération : “C’est une machination. Le mandat d’arrêt européen a du plomb dans l’aile avec toutes les mobilisations pour Aurore [Martin] allant de l’UMP au NPA. Je suis une proie facile, un ancien militant d’ETA un peu isolé à Cahors, en liberté conditionnelle. Les autorités espagnoles veulent un exemple, un militant basque de citoyenneté française pour ouvrir la voie et en envoyer d’autres. Ma seule alternative, c’est la fuite ou un billet pour l’enfer. Mais je ne fuirai pas. J’ai toujours fait face à la justice”.
Quant à la nouvelle donne en Pays Basque Sud, Daniel Derguy estime que cette demande de l’Etat espagnol est aussi une réponse à “la révolution” de la gauche abertzale : “Pour les Etats français et espagnol, il est plus facile de faire face à un conflit de basse intensité qu’à une demande politique de fond. Dans mon cas, le caractère judiciaire est totalement faux, c’est éminemment politique”. D. Derguy est désormais suspendu au 27 juillet : “Ma vie tient désormais à cette date. J’aimerais bien croire qu’il existe des magistrats courageux”.

Manifestation aujourd’hui à Bayonne

La Commission antirépression (CAR), l’association Ahaideak et les anciens prisonniers politiques basques appellent à manifester aujourd’hui à Bayonne à 17 heures en soutien à Daniel Derguy. Dans un communiqué, la CAR et Ahaideak apportent leur soutien total à Aurore Martin et Daniel Derguy. “Utilisant le mandat d’arrêt européen, outil sciemment mis en place pour traquer les militants sous couvert de ‘souci de sécurité’, les Etats français et espagnol, main dans la main, cherchent dans leurs archives gardées sous le coude depuis 1994, un prétexte pour traquer Daniel, l’incarcérer à nouveau et le livrer à la tristement célèbre ‘justice’ espagnole”.
Les deux associations remarquent que “l’utilisation de la justice comme outil, au service de desseins politiques, n’est certes pas nouvelle : revanche face au succès électoral de Bildu, provocation afin de faire capoter la démarche politique engagée par les abertzale de gauche pour faire aboutir le processus de paix ?”
Par ailleurs, les partis abertzale AB, Batasuna, EA et le collectif Askatasuna appellent également à manifester aujourd’hui dans les rues de Bayonne.

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