Par philippe alain (Mediapart)
Dans une tribune publiée par le journal « Le Monde » du 14 août 2012, intitulée: « Le gouvernement a raison de démanteler les campements illicites de Roms », 10 «élus locaux de gauche» dont la plupart sont en réalité membres du parti socialiste affichent leur soutien à Manuel Valls. (1)
En désignant expressément des personnes en fonction de leur origine ethnique dans le titre même de leur tribune, ces élus opèrent une discrimination insupportable qui nous rappelle les pires heures du sarkozysme: le discours de Grenoble et la circulaire du 5 août 2010 censurée par le Conseil d’Etat.
L’encouragement à la poursuite des démantèlements de « campements de Roms » est donc un appel contre les Roms encore plus stigmatisant que la circulaire du 5 août qui ordonnait aux préfets d’engager une « démarche systématique de démantèlements des campements, en priorité ceux des Roms ».
Sarkozy et Hortefeux démantelaient les campements, « en priorité ceux des Roms ».
Hollande et Valls, eux, démantèlent uniquement les campements des Roms.
On notera au passage que cette tribune est un désaveu cinglant, par son propre camp, de la stratégie de communication de Manuel Valls qui s’époumone depuis plusieurs jours à essayer de nous faire croire que sa politique n’est pas ciblée contre les Roms.
Cette tribune qui vise nommément une minorité ethnique est ensuite la démonstration affligeante que certains élus de la République ignorent notre Constitution, qui, dans son article premier assure l'égalité devant la loi pour tous, sans distinction d'origine, de race ou de religion… On ne peut donc pas cibler telle ou telle catégorie en fonction de son origine et demander l’application de la loi uniquement pour cette catégorie. C’est contraire à la Constitution et cela a été condamné par le Conseil d’Etat en avril 2011, saisi à l’époque par S.O.S. Racisme. (2)
D’autre part, les élus signataires de cette tribune ignorent totalement la réalité du terrain, ce qui pose une grave question. Ils affirment en effet que des consignes ont été données aux préfets pour qu’un travail de concertation permettant de proposer des solutions d’hébergement soit effectué avec les associations et les élus locaux lors des démantèlements.
Sur le terrain, plus de 1 000 personnes ont été expulsées de leurs lieux de vie en quelques jours. Aucune d’entre elle n’a reçu la moindre proposition d’hébergement comme en témoigne un courrier de Romeurope au premier ministre. (3)
D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement alors que toutes les structures d’hébergement d’urgence sont saturées et que les services du 115 croulent sous les demandes depuis plusieurs mois ?
En ce qui concerne la concertation avec les élus locaux, Martine Aubry elle-même ne décolère pas depuis qu’elle a appris par la presse le démantèlement d’un camp de l'agglomération lilloise alors qu’elle s’emploie depuis plusieurs années à mener une politique d’accompagnement des populations Roms sur son territoire. Bel exemple de concertation … (4)
Alors de deux choses l’une. Soit aucune consigne n’a jamais été donnée aux préfets et cette tribune est mensongère, soit des consignes ont été données et les préfets ne les appliquent pas.
Dans les deux cas, cela montre des dysfonctionnements très graves qui méritent des explications et des corrections.
Enfin, cette tribune souligne que la décision de la Commission européenne de placer la France sous surveillance en raison des conditions dans lesquelles se font les opérations d’expulsions est bien naturelle. Elle précise même que la volonté du gouvernement est d’agir en toute transparence en répondant à toutes les demandes d’information.
Si le gouvernement socialiste souhaite vraiment la transparence, pourquoi ne pas inviter la Commission et les parlementaires européens à visiter les nouveaux camps de fortune dans lesquels se sont réinstallés les Roms après leur expulsion ? Ils sont faciles à trouver. Ils sont souvent situés à quelques centaines de mètres des anciens camps et les conditions de vie y sont encore plus précaires. (5)
Allez, messieurs les élus, ne vous contentez plus de parler ou d’écrire, passez aux actes et invitez donc officiellement des observateurs européens à assister aux expulsions que vous faites réaliser sur vos propres communes. Ils pourront ainsi constater la réalité des traques policières qui s’ensuivent et l’inexistence des propositions de relogement dont vous parlez.
C’est en mettant en accord vos paroles et vos actes que vous grandirez votre parti, pas en stigmatisant à votre tour la minorité ethnique la plus importante et la plus persécutée d’Europe dans l’unique espoir de récolter quelques voix d’électeurs racistes pour conserver vos sièges d’élus locaux.
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